« Algeco a été le seul à relever le défi d’une installation à plus de 2 500 mètres d’altitude »
Thierry Lê, Conducteur de Travaux Algeco sur la « mission » Plateau de Bure, revient sur cette installation en tous points exceptionnelle…
Algeco LE MAG : Pourquoi ce projet ?
Thierry Lé : Notre commanditaire MAURO SAS, membre du groupement MAURO/STM PUGNAT, a fait appel à Algeco pour répondre à l’augmentation des effectifs de son propre commanditaire, l’IRAM. L’objectif était de concevoir des chambres destinées au groupement pour l’Extension des Voies d’Antenne Est-Ouest (EVA) dans le cadre de l’agrandissement des capacités du radiotélescope NOEMA, installé depuis 2014 sur le Pic de Bure. Avec la crise sanitaire, les chambres doubles sont devenues des unités individuelles et ont imposé l’ajout de 14 modules.
Algeco LE MAG : Qu’est-ce que l’IRAM ?
Thierry Lé : Il s’agit de l’Institut Radio Astronomie Millimétrique (IRAM), premier centre européen de radioastronomie millimétrique. Fondé en 1979 par la Max-Planck-Gesellschaft (MPG, Allemagne) et le Centre national de la recherche scientifique (CNRS, France), son siège est basé à Grenoble. Sa mission est passionnante : explorer l’univers, analyser ses origines et son évolution grâce à l'exploration des nuages de gaz interstellaires et à l'étude de la naissance d'étoiles dans notre galaxie… mais aussi dans les galaxies postérieures au Big Bang !
Algeco LE MAG : Que fait l’IRAM sur le plateau de Bure, au sein de l’observatoire NOEMA ?
Thierry Lé : En 2014, l'interféromètre1 du Plateau de Bure a été renommé NOrthern Extended Millimeter Array (NOEMA). L’objectif est de porter à fin 2021 le nombre d'antennes à 12, mais aussi d’allonger l'une des voies actuelles : c’est précisément l’objet de l’appel d’offres confié à MAURO, pour lequel nous avons été sollicités.
Cette extension permettra de décupler la sensibilité de l'observatoire et de multiplier la qualité de sa résolution angulaire par quatre ! Il faut savoir que NOEMA est aujourd’hui le radiotélescope millimétrique le plus puissant de l'hémisphère Nord, le second au monde après ALMA installé au Chili.
Pour effectuer ces travaux d’agrandissement du site, il était donc indispensable de doubler la base vie existante, constituée de 14 modules.
Algeco LE MAG : Quelle a été la principale contrainte de cette mission ?
Thierry Lé : L’altitude, bien sûr, mais aussi la nécessité d’emprunter deux voies différentes pour le matériel et pour les équipes. Ainsi, les modules ont été livrés à Saint-Etienne-en-Dévoluy par les équipes Algeco puis acheminés par « le Blondin », le téléphérique de l’IRAM, selon une cadence dictée par les conditions météorologiques (visibilité, vent, …).
À cause de ces impondérables, c’est seulement la veille pour le lendemain que nous avions la confirmation du bon fonctionnement du téléphérique. Heureusement, une « fenêtre de tir » s’est présentée dès le 10 juin 2021, après un début de semaine marqué par l’arrêt complet du Blondin.
Profitant de cette accalmie, nous avons fait livrer les 14 modules en 2 phases. La première de façon anticipée le vendredi 14 juin, assurant ainsi une mise à disposition des premiers modules sur le plateau pour l’arrivée de l’équipe de montage le lundi 17 juin. Ce même jour, les modules restants ont pu être acheminés.
Le véritable challenge consistait à organiser les deux ascensions parallèles ; celle des matériels et celle des techniciens, de façon synchronisée.
Pour les équipes Algeco, mais aussi pour les photographes qui nous accompagnaient, l’ascension s’est faite également depuis Saint-Etienne-en-Dévoluy, suivant plusieurs étapes. Après une première remontée des pistes en 4x4, nous avons été conduits par un ratrack (dameuse) sur les quelques centaines de mètres enneigés qui nous séparaient de la fenêtre. Cette belle arche calcaire, surplombant la vallée, marquait le démarrage de la partie « physique » de l’expédition.
Nous avons en effet effectué ce dernier franchissement à pied, en chaussures à crampons et sacs à dos, en s’aidant d’une corde disposée tout le long, faisant office de main courante. Le tout sur un chemin sinueux où tout mauvais appui manquait de nous faire glisser. Autrement dit, un bel exercice de concentration mentale et physique, une vraie expédition !
Mais nous sommes redescendus avec littéralement des étoiles dans les yeux, sans même avoir regardé à travers le télescope !
Algeco LE MAG : Comment cet exploit a-t-il été préparé chez Algeco ?
Thierry Lé : Ce n’est pas tous les jours que l’on installe des modules à plus de 2 500 mètres d’altitude ! Aussi, nous avons abordé cette opération « en mode commando». Le 19 avril, nous avons profité de l’ascension des responsables travaux du projet, à l’occasion de la réunion hebdomadaire de chantier, pour effectuer notre visite de site en compagnie de notre futur client.
Nous nous sommes rendus au sommet alors qu’il était encore très enneigé. C’est pourquoi nous avons eu besoin de faire appel à des déneigeuses et d’enfiler nos chaussures à crampons. Une fois arrivés au sommet (passablement essoufflés !), nous avons consolidé les détails de l’opération. L’objectif était de permettre à notre commerciale de chiffrer au plus près cette opération atypique, en tenant compte des difficultés d’accessibilité et des aléas météorologiques.
Ensuite, nous avons travaillé main dans la main avec le bureau d’études pour prendre en compte les contraintes inhérentes à cette installation. Notons que parmi tous les acteurs locaux du modulaire, l’agence Algeco de Marseille a été la seule à relever le défi, ce qui prouve, s’il en était encore besoin, le degré de technicité et de complexité que nous sommes capables d’assumer.
Algeco LE MAG : Pourquoi les modules Advance + ?
Thierry Lé : Le choix des modules s’est fait naturellement puisque la gamme Advance + est la seule, en location moyenne durée, à pouvoir supporter les contraintes de pression et de rigidité à cette hauteur. Nos techniciens ont passé une semaine « là-haut » pour assembler les 14 modules et traiter la jonction entre la nouvelle installation et la base vie existante à l’ancienne.
Ils ne sont redescendus qu’une fois toutes les vérifications réalisées, et ce, afin de rassurer le client sur la pérennité de l’installation. Nous voulions vraiment que tout soit réalisé à la perfection… comme toujours, mais plus que jamais sur ce projet. En effet, rien ne devait être laissé au hasard, car assurer une maintenance en cas de problème à cette hauteur, c’est une autre histoire que de le faire sur une plage au niveau de la mer !
Algeco LE MAG : Quel est le ressenti du client après un tel exploit ?
Thierry Lé : La satisfaction est au rendez-vous car nous avons apporté une solution technique à un problème complexe. De plus, nous avons tenu les délais très serrés et opéré une jonction durable et simplifiée avec l’ancien bâtiment, ce qui permet une circulation facilitée sur l’ensemble de la base vie.
L’accompagnement a été particulièrement apprécié, de même que la livraison clé en main de l’installation qui a permis aux équipes du groupement MAURO/STM PUGNAT de passer immédiatement à l’action. De notre côté, c’est la fierté qui domine car nous avons porté haut les couleurs de la performance, de la qualité et de la sécurité selon nos valeurs Algeco !
1 instrument permettant de former et d'étudier des franges d'interférence
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